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Livre IX fable III
Oudry

Le singe et le léopard

Le singe avec le léopard
Gagnaient de l’argent à la foire
Ils affichaient chacun à part.
L’un d’eux disait : « Messieurs, mon mérite et ma gloire
Sont connus en bon lieu ; le Roi m’a voulu voir ;
Et si je meurs il veut avoir
Un manchon de ma peau ; tant elle est bigarrée, 
Pleine de taches, marquetée,
Et vergetée, et mouchetée. »
La bigarrure plaît ; partant chacun le vit.
Mais ce fut bientôt fait, bientôt chacun sortit.
Le singe de sa part disait : « Venez, de grâce ;
Venez, Messieurs : je fais cent tours de passe-passe.
Cette diversité dont on vous parle tant,
Mon voisin Léopard l’a sur soi seulement ;
Moi, je l’ai dans l’esprit : votre serviteur Gille,
Cousin et gendre de Bertrand,
Singe du pape en son vivant,
Tout fraîchement en cette ville
Arrive en trois bateaux, exprès pour vous parler :
Car il parle, on l’entend ; il sait danser, baller,
Faire des tours de toute sorte,
Passer en des cerceaux; et le tout pour six blancs !
Non messieurs, pour un sou; si vous n’êtes contents,
Nous rendrons à chacun son argent à la porte. »
Le singe avait raison; ce n’est pas sur l’habit
Que la diversité me plaît, c’est dans l’esprit :
L’une fournit toujours des choses agréables :
L’autre en moins d’un moment lasse les regardants.
Oh ! que de grands Seigneurs, au léopard semblables,
N’ont que l’habit pour tous talents !

Doré


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